Le Très-Haut est tombé très bas !

Publié le par Jean-Marie Demarque

Effets pervers de dérives démocratiques.

Ou :

« Comment le Très-Haut est tombé très bas »…

 

Lorsqu’au 16ème siècle s’élèvent dans une Europe christianisée à la pointe de l’épée et placée sous la coupe d’un magistère singulièrement séculier, les voix des Réformateurs, en écho à celle des humanistes, la société s’aperçoit qu’il y a là pour elle un espoir de liberté que jamais aucun humain n’aurait pu imaginer. Très vite, au sein même de cette société, des « Grands » vont trouver à cette « réformation » ecclésiastique des intérêts particuliers.

Ainsi, les Princes allemands protégeant Luther, excommunié par Rome le font ils simplement parce que cette protection leur permet d’échapper aux taxations considérables qui pesaient sur eux du fait même de l’emprise papale. (Ah ! l’attrait du pouvoir et la force de l’argent !)

 

Calvin, lui, établira à Genève le modèle d’une nouvelle société, de base plus démocratique, où l’Eglise est placée sous une direction collégiale de « laïcs ». Une réforme-piège dont il sera le premier à faire les frais, acceptant volens nolens la condamnation à mort d’un Michel Servet, et se voyant un jour banni lui-même de Genève, tout simplement parce que ses façons radicales d’appliquer les préceptes évangéliques vont déranger les braves bourgeois genevois, plus intéressés par leurs nouveaux « pouvoirs » que vraiment attachés à l’esprit vivifiant et révolutionnaire de l’enseignement d’un Jésus de Nazareth !

 

Dérives passées, affirmeront certains : il fallait bien que les nouvelles « Eglises Réformées » fassent « leur maladie ». Et les innovations épanouissantes pour la société, générées et induites par elles ne manquent pas.

Il est vrai, fort heureusement.

 

Mais la soif de pouvoir est inscrite génétiquement dans le caractère de l’homme ; elle fait partie de ce que l’on pourrait appeler sa nature. Et il est bien connu que le naturel, chassé, revient toujours au galop !

 

Dans notre petit Pays, la Constitution permet la reconnaissance par l’Etat de diverses institutions religieuses. C’est le cas, depuis près de trente ans pour une minorité d’églises protestantes qui ont fusionné entre elles pour former l’ « Eglise Protestante Unie de Belgique ». Une reconnaissance qui implique des avantages tels que la fonctionnarisation des Pasteurs, leur assurant un traitement mensuel, et, (surtout !) l’octroi de divers subsides alloués aux paroisses constituées pour l’occasion en ASBL.

 

Evidemment, tout ceci implique une gestion rigoureuse, en principe contrôlée par les Pouvoirs Publics… Et cette gestion demande l’investissement en temps de personnes dites « de bonne volonté », qui parfois prennent goût à l’exercice finalement fort peu contrôlé d’un « pouvoir » séculier qui aurait mainmise sur l’Eglise. Un risque à courir, dira-t-on, inhérent à l’exercice d’une vraie démocratie, où le « pouvoir » émane du peuple et seulement du peuple !

 

Un pouvoir pyramidal, mais en l’occurrence représenté par une pyramide inversée :

Au dessus, les Assemblées d’Eglises, plus ou moins nombreuses, constituées de membres « votants » ou « effectifs », ces derniers élisant leurs représentants constituant des « consistoires ». Ensuite les Districts, regroupant différentes assemblées par région, représentés par des « Conseils » élus par eux, constituant tous ensembles l’ »Assemblée Synodale ». Cette dernière aboutit au Conseil Synodal, formé d’un membre élu de chaque district, d’un secrétaire, d’un trésorier, d’un vice président et d’un président.

Ce dernier se trouvant donc à la base de cette pyramide inversée, directement à l’opposé des membres des assemblées d’églises.

 

Schéma idéal, curieux, qui n’est pas sans rappeler celui des idéaux prétendus de quelques dictatures de gauche ou de droite. Schéma qui se retrouve aussi dans la gestion des paroisses, où le Pasteur occupe lui aussi la pointe d’une pyramide inversée et n’obtient de vraie direction de la paroisse qu’au travers du « filtre » du consistoire. Un consistoire composé de laïcs qui, en conséquence directe de l’histoire des églises protestantes belges actuelles est souvent composé de personnes franchement…anticléricales !

 

Et c’est là, particulièrement que le bât blesse !

 

Il est fréquent de voir le système dysfonctionner en raison de l’aspiration de certains à détenir pour eux-mêmes un pouvoir qu’ils érigent en absolu. De membres « engagés », ceux-là deviennent vite de petits chefs qui s’estiment propriétaires des lieux, des traditions et…des gens ! On aboutit alors à des situations aberrantes, où des églises microscopiques vivent sur elles-mêmes, sous l’autorité d’un noyau dur, devenues de véritables « négatifs » de l’Evangile, mais conservant contre toute logique la caution et le support financier de l’Etat et des Communes. Des églises où le Pasteur a perdu tout statut et n’est plus qu’une sorte de polichinelle ou de marionnette dont on excelle à tirer les ficelles. Quand on n’essaie pas de l’éliminer (jusqu’à présent, en principe,  symboliquement !) comme des enfants en mal d’Œdipe cherchent à supprimer le Père.

Pour ce qui est de Dieu, c’est déjà fait dans ces églises-là depuis longtemps : Il y a perdu tout statut paternel ; il est devenu le Très-Haut qui est tombé très bas !

Parce que des hommes à l’esprit étroit ont oublié le cœur de l’Evangile qui exalte les petits et les pauvres et vilipende les riches moralisateurs et autosuffisants.

 

Rédigé le 3 mai 2009, en la « journée de la Liberté de la Presse ».

 

Jean-Marie Demarque

Théologien protestant

Psychothérapeute-analyste.

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